Conte d'amour un soir de pluie

Publié le par L'occidentale

Merci beaucoup pour vos messages, tous très touchants et qui m'encouragent dans l'écriture et dieu sait que c'est important pour moi.

Récemment, un de lecteurs qui a fait une halte sur mon blog m'a dit qu'il aurait aimé que je parle aussi de ma relation avec L., ce qu'il en était maintenant, la façon dont on s'apprivoise à travers le prisme de notre culture respective et des codes culturels de l'autre.

 

Pour écrire, j'ai besoin de m'enfermer dans un petit espace. Assise sur le parterre de ma salle de bain, je vais donc ici parler de L. et moi.

 

J'ai rencontré L. à Paris, alors qu'il faisait un stage d'un an en tant que FFI (faisant fonction d'interne-quelle nomination méprisante) dans un hôpital au nord de la ville. L. bredouillait le français et moi, insatiable en ce qui concerne la culture et la langue vietnamienne, j'ai décidé de contacter des étudiants vietnamiens en France à travers leur association pour mettre en place des échanges linguistiques. L. a répondu. C'est ainsi que 2 mois après son arrivé en France, au milieu du mois de Janvier, nous nous sommes rencontré, au pied d'une statue face à Notre Dame. Ce soir là, nous avons traversé une partie de Paris en parlant, corrigeant chacun la langue de l'autre. Il faisait froid et humide ce soir là.

balades

Et au fil du temps, L. et moi avons lié une relation plus solide. On s'apprivoisait doucement. Et la relation amicale a petit à petit évoluée vers une relation d'amour. Au début, on se disputait beaucoup. Complètement déboussolée par ces disputes que je n'avais jamais rencontrées auparavant, j'ai fini par comprendre qu'elle était du à nos décalages culturels. On se disputait sur des différences de repères et de codes qui faisait intrinsèquement partie de nos univers culturel et sociétal.

Nous avons alors pris le parti de se parler le plus souvent, ce qui n'est pas forcément chose aisée, pour décoder, expliquer l'un à l'autre les codes qui régissaient nos visions et agissements. Ce n'est pas une habitude pour les hommes en général de s'ouvrir spontanément à la parole et pour un homme vietnamien, inscrit dans modèle encore plus fort de ce que doit être l'homme, c'était encore moins naturel et facile. Mais au final, on est arrivé à se se parler, de se confier librement et presque complètement l'un à l'autre, ce qui n'était pas gagné autant pour lui que pour moi. Nous avons emménagé ensemble quelques moi plus tard, dans le 15e arrondissement. Il restait six mois avant qu'il retourne au Vietnam.

En Octobre, j'ai intégré une bi-licence à la Sorbonne en plus de mon cursus à l'INALCO. Nous avions un rythme de vie très harmonieux. Et puis est venu le 12 Novembre 2008. L. est rentré au Viet Nam où un poste dans un hopital de Sai Gon l'attendait. En réalité, c'est plutôt L. qui a attendu ce poste puisqu'il a du patienter plusieurs mois, ce qui n'était pas prévu, avant de pouvoir entrer en fonction. Nous avons passé six mois sans se voire. On se téléphonait, on s'écrivait, lettres, mails pour essayer de combler le vide de l'absence de l'autre.

Son départ a été insupportable. L. avait laissé des traces de sa présence partout, jusqu'au plus profond de moi. Son absence brutale était d'autant plus violente face à ses traces tangibles, preuve de sa présence, qu'il avait laissé. Mais ce qui était encore plus insupportable, c'est que nous étions dans l'incertitude : il venait de repartir définitivement au Vietnam. Alors qu'allait devenir notre relation ? Ce qu'on avait vécu ensemble, même dans un temps si court nous avait vraiment lié tous les deux. Et aucun de nous n'avait l'intention d'arrêter en plein vol ce que nous avions commencer à construire. Nous nous étions si attaché l'un à l'autre qu'on ne pouvait envisager de s'arrêter là. Alors, les six mois ont passé. Et en Avril 2009, pour mes vingt ans, je suis allé le rejoindre, juste pour trois semaines. C'était toujours le même, mais en même temps, L. avait changé. Mais en trois semaines, je n'eu que le temps de douter légèrement. Et puis un mois et demi plus tard, je suis revenue le voire, pour trois mois et demi. C'est là que j'ai commencé l'écriture de ce blog.

 

Ma relation avec L. était devenue un grand point d'interrogation. Je savais que je l'aimais toujours profondément mais en même temps, j'étais totalement perdue parce que je perdais tous mes repères et L. ne m'expliquait plus les siens et ne me guidait pas pour que je puisse m'en créer dans ce nouvel environnement, vietnamien. J'en étais déstabilisée. Nous allions de malentendus en malentendus. L. était victime aussi de son nouveau rythme de vie de médecin et en tant que nouvel employé, il devait faire ses preuves. Il rentrait toujours tard et fatigué et la communication qui nous avait permis de se comprendre jusqu'alors ne se faisait plus. Est ce que L. était comme ça parce qu'il était plongé dans son environnement ou était-ce parce qu'il venait de commencer une vie professionnelle qui l'amenait aussi à évoluer ? Était-ce sa fatigue et son inconscience de ma perte de repère ?

J'étais complètement perdue, tendue comme L. aussi. Mais tous les deux, on s'est accroché. Et puis passé un temps, on a réussi à s'expliquer, tous les noeuds se sont dénoués.

L.

L. aime la France. Pas autant que j'aime le Viet Nam, mais depuis qu'il m'a rencontré, il s'y intéresse de près. Il regarde TV5 monde (chaine française en français), lit des livres en français quand il peut, et trouve même le temps de faire des exercices. Son vocabulaire s'enrichit de jour en jours sans que j'y soit directement pour quelque chose. Mais L. n'a pas cette habitude de comprendre ma façon de penser au regard de ma société et de mes codes. La plupart du temps, je dois moi-même avoir ce réflexe de lui expliquer l'origine de ma pensée et de son formatage. On continue a avoir des disputes liées à des malentendus mais on s'en rend vite compte et c'est devenu de moins en moins fréquent.

 

Et puis, on a envisager notre relation sur le long terme. L. avait sacrifié dix ans de sa jeunesse et venait de trouver du travail. Le faire venir en France ? Le diplôme vietnamien de médecine de L. n'est pas reconnu en France et il n'existe AUCUN moyen d'obtenir une équivalence. Malgré la quantité de concours et épreuves pour intégrer les médecins à diplômes étrangers au système français, jamais ces derniers n'ont un statut équivalent à ceux des français. Alors, hiérarchiquement inférieur, on leur refile les gardes les moins pratiques et plus fréquemment, les services les moins gratifiant et les plus durs, un salaire divisé en deux par rapport aux collègues français, des CDD à renouveller....

Reprendre des études de médecines, quand on a passé 30 ans, ce n'est pas ce qui a de plus simple. Ni de plus plus juste. Et nous n'avons pas l'argent nécessaire pour nous faire vivre si chacun de nous est étudiant. Il n'était pas et n'est toujours pas question que L. vienne en France pour être un bouche trou à la merci de l'Etat français alors que c'est un médecin reconnu dans son pays et qu'il exerce en bénéficiant de tous les avantages bien mérités de son métier.

 

Quant à moi, il était et est toujours hors de question que j'arrête mes études pour aller m'installer au Viet Nam. D'ailleurs, pendant un moment, après les trois mois passés au Vietnam l'été 2009, j'ai cru que jamais je n'aurais pu vivre dans ce pays. Ce que j'avais vécu, face au regard des autres, sur moi, femme étrangère, occidentale et vivant avec un Vietnamien, était trop dur. Je m'étais sentie coincée en rapport avec la condition féminine qui est imposée au Vietnam et ma liberté de femme à moi, je m'étais sentie incomprise avec ma culture différente. En bref, je ne me sentais pas à l'aise, enfermée entre la liberté d'être moi même et la nécessité de s'adapter aux moeurs vietnamiennes. Mais finalement, après être revenue à Sai Gon quelques mois plus tard, des portes alors fermées se sont réouvertes et j'ai pu accéder à des possibles que j'avais cru impossibles lors de mon séjour précédent. J'ai changé d'avis. Mais notre décision n'a pas changée : je continue mes études. Il ne me reste « plus que 2 ans et demi ». C'est long, quand on vit si loin l'un de l'autre. Mais les études, c'est la seule chose qui peut me donner la liberté de choix. (même si ces derniers temps, ce n'est même plus une assurance de pouvoir choisir, c'est quand même un moyen de rebondir).

 

L'amour à distance, c'est dur. Ca fait mal au coeur. L. et moi nous parlons tous les jours. Par Skype ou Yahoo. Vive la modernité. Les moments où l'on se quittait, à l'aéroport, étaient insupportables. Parce qu'ils signifiaient l'incertitude sur notre relation. On avait l'impression de vivre un amour précaire, non pas que nos sentiments ne soient pas assez forts. Mais peur que la distance les abîmes. La peur de vaciller alors qu'on était très attachés l'un à l'autre.
J'ai le sentiment que ce que nous avons dépassé ensemble nous a encore plus renforcé que si nous n'avions pas été un couple mixte. Parce qu'en plus de toutes nos difficultés « banales », semblables à toutes celles que traverse un couple ordinaire, se superpose les difficultés lié à nos cultures et nos moules sociétaux tellement différents. La langue, ne pas savoir comment dire à l'autre ce qu'on a envie d'exprimer par manque de vocabulaire ou alors parce que les mots qu'on veut employer, l'autre ne les connait pas, les situations qui ont une résonance différente pour l'un et l'autre, les mots qui n'ont pas le même poids pour l'un ou pour l'autre...Bref. Tout ce qui peut compliquer la relation la rend plus forte car on arrive à les surmonter. Et L. et moi.

Et puis, le 14 Juillet 2010 (et ce n'est pas un choix délibérément chauviniste ou patriotique) , nous nous sommes marié. A Vinh, au centre du Viet Nam. C'était pour nous une façon de rendre plus vivable notre relation. Et effectivement, les séparations physiques se font moins douloureuses depuis. Une sorte de tranquillité quant à l'avenir de notre relation s'est installée. On est plus confiant en nous, plus posé, apaisés.

Et conséquemment à cela, mon statut à changé. J'étais devenue légitime aux yeux de plusieurs amis de L. Je n'étais plus sa petite amie occidentale, j'étais son épouse. C'est un statut beaucoup plus facile à vivre. Comme si de là, je tirais ma légitimité d'être aux cotés de L. Mais cet aspect là n'est qu'une remarque et aucun cas il n'a pesé sur la volonté de nous unir.

 

L. est venu me voire à Noël. Deux petites semaines juste merveilleuses où j'ai enfin pu lui montrer mon quotidien qui c'était tellement transformé depuis qu'il était parti. Depuis, j'avais des amies nouvelles, depuis, j'avais déménagé au moins 3 fois, depuis, j'avais mes repères à Paris que je n'avais pas quand il est parti.

Alors que je connaissais tous ces proches amis, sa famille, son quotidien, son hopital, ses collègues, sa maison, ses habitudes dans son pays, lui ne connaissait plus les miennes, seulement par ma parole. Et c'était toute une facette de ma vie qu'il ne pouvait connaître par lui-même et cela manquait. Mais maintenant, c'est fait.  

 

monde vietnamo-français

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V
<br /> C'est une magnifique histoire ! Elle est fondée sur le coeur même de ce qui rend une histoire intemporelle, aspatiale, sans frontières, sans âge c'est à dire le dialogue, la communication,<br /> l'échange..et c'est ça qui peut aider à surement pas abattre des montagnes car une montagne ne s'abat pas, mais à les gravir et les passer..<br /> ne perdez jamais cette qualité qui manque souvent dans les sociétés où tout va trop vite.<br /> <br /> <br />
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