De retour à Sai Gon

Publié le par L'occidentale

La ville fourmille d'individus, de scooters, d'enfants, de lumières crues et vives. Elle vit dans un brouhaha de poussière ocre, de pollution, de cris, de musique émanant des magasins branchés. Elle virevolte au fil des vagues de Vietnamiens à califourchon sur leur bécane. Sai Gon ne s'arrête jamais. C'est une ville hyper active qui avale dans son tourbillon des milliers de personnes et donne son rythme frénétique de vie à ceux qui la choisissent.

Je ne sais plus quand exactement j'ai cessé d'entendre le grincement continu des scies à marbre. Elles jouent en concert la sonate du bruit de fond n°4, accompagnées des bribes des paroles d'une speakerin qui vente les mérites d'un produit au complexe sportif où se déroule en ce moment une exposition commerciale sur les matériaux de constructions « 100% vietnamien ». Au Viet Nam, on est Vietnamien ou on ne l'est pas. La demie mesure n'existe pas.

C'est la neuvième fois que je viens au Viet Nam. J'y suis venue deux fois avec ma mère, deux fois toute seule et cinq fois pour voire mon amoureux. Si l'on additionne la durée de tous mes séjours, je n'ai du vivre à Sai Gon qu'un peu plus d'un an. Mais en réalité, le séjour le plus long a duré trois mois et demi. Trois moi et demi que j'ai mis longtemps à digérer. Même après ces neuf voyages, je ressens toujours comme une appréhension juste avant de venir et même quand j'y suis. Je regarde cette ville et cette vie d'un oeil sceptique. Comment s'y prendre cette fois-ci pour ne pas se sentir déçue et a deux doigts de perdre un peu de son courage et de sa confiance en soi ?

Je n'ai jamais vraiment su pourquoi je perdais ma confiance en moi quand je suis au Vietnam. En général, quand je suis à l'étranger, je fais des choses que je n'aurais jamais osé faire dans mon propre pays, par timidité. Je parle plus spontanément avec les gens, je pose des questions, j'accepte plus d'invitation et suis beaucoup plus ouverte aux rencontres que je ne le suis dans mon propre pays. Au Viet Nam aussi d'ailleurs, les rencontres se font plus facilement. Je parle avec tout le monde si j'en ai envie et non pas forcément si je m'en sens le courage, comme c'est le cas en France. Mais au Viet Nam, si les rencontres sont plus faciles, trouver une amitié profonde reste plus dur. Mais cela est lié à moi. Parce que j'ai l'impression que personne ne pourra jamais vraiment comprendre et partager ce qui me tracasse. C'est comme si tout le monde était à coté de ma plaque, parce que ma plaque vient d'ailleurs.

 

En période de mousson, les murs de la maison se mettent à trembler. D'un seul coup, un véritable torrent d'eau s'abat sur la ville. Mais elle ne s'arrête pas de tourbillonner pour autant. L'odeur du macadam chaud monte jusqu'à mes narines. J'aime cette odeur, c'est la même que celle qui m'annonçait que je pouvais aller ramasser des escargot dans le jardin quand j'étais petite et que j'aimais à devenir exploratrice à la recherche de trésors baveux. Le paysage est complètement brouillé. Le vent hulule et l'on entend plus du tout le son des scies qui coupent le marbre dans les hangars d'en face. Des grêlons tapent contre les vitres. C'est l'allegro en vertige majeur de Saigon. Certaines rues sont déjà transformées en rivières. Certains rares scooters y passent encore et leur conducteurs conduisent comme on tiendrait un cheval qui a peur de rentrer dans l'eau même s'il sait pourtant nager.

La pluie ne s'arrête pas. Elle tombe violemment, radoucie l'air, ternit le paysage. Mais sa musique est agréable à écouter en temps de chaleur. Je ne sais pas si j'arriverai un jour à me sentir à l'aise dans le climat saigonnais. Quand mon mari sort de la douche qui est à l'air libre pour rentrer dans la pièce principale et unique dans laquelle souffle un climatiseur, il s'exclame : « il fait froid », pendant que je trouve qu'il fait seulement frais ! Quand on me demande si j'ai envie de vivre à Sai Gon, je réponds toujours que le climat est difficile à supporter. Parce que moi, j'aime la neige. C'est une manière de faire comprendre que ce qu'il me manque, c'est la fraicheur et la douceur de l'atmosphère. Sans me sentir mal à l'aise en ville, j'apprécie ma campagne plus que tout. C'est là, mon nid de bonheur sur terre. Il ne manque plus que les villageois se mettent à parler vietnamien à manger des pho et des cacahouètes grillées pour que ce soit mon paradis.

 

 

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