Kitchement romantique

Publié le par L'occidentale

Le romantisme vietnamien.... tout un poème !

 Rien à voire avec 1, avec notre courant romantisme, et 2, notre romance.

Nous, Français, sommes considérés, un peu partout dans le monde de ceux qui ont entendu parler de la France, comme des romantiques. Mais ils y a plus romantique que nous. Explosivement plus romantique. Ils y a les Vietnamiens.

Les Vietnamiens sont plus que romantiques. Ils sont, à mes yeux, kitchement romantiques.

Ce romantisme se ne traduit pas principalement par le comportement. J’expliquerai d’ailleurs pourquoi il me semble que les Français sont considérés comme romantiques. Mais revenons à nos moutons. Donc, le romantisme des Vietnamiens s’exprime autrement, et plus dans des choses « abstraites, immatérielles » que « concrètes ou matérielles » si j’ose m’exprimer ainsi. (Et j’ose !). J’entends par choses abstraites les chansons, les films et peut être les mariages. Peut être car ce que j’entends par romantisme peut aussi s’entendre par le fait que pour les Vietnamiens, le mariage est LA grande étape de la vie…Ce qui peut passer pour « surromantique » peut aussi être vu par l’importance familiale et sociale du mariage.

Mais intéressons maintenant aux champs dans lequel s’exprime le romantisme vietnamien et commençons par les chansons.

Au Viet Nam, 85 % des chansons sont des chansons d’amour. A ce niveau, ils nous battent donc à plat de couture. Les 15% qui restent se partagent entre les louanges pleines de nostalgie et d’amour pour un lieu (Sai Gon, Ha Noi, une province…, un vieux village d’enfance…) et pour les saisons et phénomènes climatiques (notamment la pluie).

Les chansons d’amour… c’est du romantisme en pot de crème. C’est de la chantilly à la petite cuillère, c’est de la guimauve en barre, du miel à la louche, des pétales de roses en guise de goûtes de pluie.... Je ne vais pas m’atteler à la lourde tache que serait la traduction de ces multiples textes à rimes que l’on prononce mélodieusement de sa plus belle voix.

« Je ferais tout pour toi »…. Mais une fois mariée, tu dois tout faire pour moi…Les tâches ménagères, t’occuper de notre enfant, et veiller au bon fonctionnement de notre couple…C’est ton boulot !

« je t’aime, ne pars pas, j’ai besoins de toi » donne dans la vraie vie : Mais ça va pas !!!! On divorce pas !!!! tu veux quoi ? Qu’on nous regarde comme deux ratés ???!!! De toute façon je vais appeler tes parents ! On divorcera pas ! 

« Tu me dis les plus belles paroles, et je t’aimerais pour toujours, je ne serais qu’à toi… »… Et dans la rue, des hôtels par poignée qui proposent des prix différents selon « une courte durée » ou « passer la nuit »…Parce que coucher avec son amant ou son amant à la maison, "ça le fait pas"…

« quand tu es seule, à qui penses-tu ? »… et quelques années plus tard, quand ils sont ensemble, il pense à ne plus l’être…

Les chansons ne parlent pas de la réalité. Elles la sublime. C’est comme si dans la réalité, on vivait dans des maisons blanchies à la chaud et quand les rêves, on vivrait dans des châteaux, des palais… Les chansons d’amour sont très très romantiques, peut être pour contrebalancer le fait que la réalité, elle ne l’est pas (du tout) ? Le romantisme est un caractère. C’est une sorte de douce innocence et gentillesse d’un cœur moelleux comme un quatre quart de Mamie Nova. Et ici, la vie, pour la majorité, est loin d’être douce. On travaille plus que la moitié d’un jour, avec assez souvent, un salaire de misère, et puis on vit chez nos parents qui ne s’entendent plus depuis des années, le grand-père est malade, il faut payer l’hôpital et on a pas de protection sociale…Et notre cœur est à d’autres choses, problèmes, anxiété, pensées lugubres…Et le romantisme s’évapore… et du quatre quart, on passe au gâteau sec… Le romantisme demande de l’énergie, de la légèreté et de la liberté d’esprit…Enfin beaucoup de choses, ici, qui se compte au compte-goute.

Alors, on conserve son romantisme dans les chansons. C’est un moyen de ne jamais le perdre, puisque ici, tout le monde connait je ne sais combien de chansons d’amour. C’est comme s’il ne restais que ça… Des chansons d’amour.

Les films appartiennent au même bonbon de sucre : comédie tragico-romantique, avec un homme qui est romantique au possible, irréprochable et une femme qui est aussi douce que de la crème, qui est tout ce qu’il y a de droite, mais souvent, qui fait mal au cœur de celui qui l’aime… C’est tellement beau que j’en aurais les larmes aux yeux (oui, moi ça me fais pleurer de rire tellement c’est romantique et faux à souhait).

C’est comme le mariage ! C’est tellement important dans la vie des Vietnamiens qu’ils y mettent le paquet. Et un gros paquet ! Ici, on loue une salle dans un hotel spécialisé dans les fêtes de mariage. La fête commence par un petit spectacle de chansons-danses qui dure 15 minutes et qui est effectué par des pseudo-artistes. Ils chantent et dansent l’amour traditionnel ou un peu plus moderne (out en restant dans les normes, bien sûr). Puis, le silence se fait et la musique qui est diffusée provoque une atmosphère de mystère, de suspens, comme si on allait nous annoncer une catastrophe…En l’occurrence, ce n’est pas une catastrophe qui arrive, mais les mariés. Ils marchent cote à cote jusqu’à arriver sur la scène. Là, un animateur les présente au publique (pour être sûr qu’on soit bien dans le bon mariage, parce que dans un hôtel, il y a plusieurs mariage, alors suffit d’être un peu myope pour se tromper de salle et de marié..) et appelle le père et la mère du marié puis de la mariée à venir rejoindre les nouveaux unis sur la scène. Et voilà, une brochette. Quelqu’un amène un plateau où se trouve six coupes rempli par du liquide rouge  genre… jus de raisin… La mariée prend un verre à deux mains, et l’offre à son beau-père, puis un autre qu’elle offre à sa belle mère. Le mari fait de même. Et puis c’est au tour du marié avec les parents de la mariée. Et pendant ce temps, depuis le début de la cérémonie jusqu’à la fin, un photographe mitraille chaque geste mythique des deux époux. C’est leur ombre en ce jour unique. Et puis c’est au tour du jeune couple de boire. On s’échange les verres et l’on boit, le bras croisés dans celui de l’autre…Ca  y est, lié à jamais !!! La spectacle n’est pas fini…Il faut encore faire couler le vin. On débouche trois bouteilles de champagne rouge. La mariée en prend une, son mari l’aide à verser en lui soutenant la main (des fois qu’elle défaille, ou qu’elle ne puisse pas faire la prestidigitation toute seule). Elle verse le contenu de la bouteille dans une coupe qui se trouve en haut d’une pyramide d’autres coupes. Et le vin coule, cela fait une petite fumée blanche (un lapin va-t-il sortir du verre ??), et se déverse dans les autres verres du dessous… C’est jooooooliiiii !!! Et vide la deuxième, puis la troisième bouteille. Curieusement, on ne boit pas le vin. La cascade finie, on laisse ainsi la pyramide. C’est pour la décoration. C’est comme le gateau. A l’autre bout de la scène, il  y a 3 gâteaux, ceux qui vous font saliver… Mais on les mangera pas ! Juste avec les yeux en tout cas…Pourtant, ils n’ont pas l’air d’être en plastique ! Bref.

Et puis le festin commence. Des serveurs amènent les plats sur chaque table, servent à boire. Et la fête bat son plein. On monte sur scène pour chanter, ce sont des mariages karaoké… Et on boit. Les mariés, toujours suivi par leur chien photographe s’en vont saluer chaque table, chaque invité. Entre temps, la mariée à changé de robe. Ils trinquent avec tout le monde (d’ailleurs, il n’est pas rare que le marié finisse ivre à la fin de la fête). Et chaque « tchin-tchin » est mis en boite par l’obsédé des images-souvenirs. Mais ils ne mangent pas.

Alors… Les Vietnamiens sont-ils en mal d’amour ? Quand on prend un fort remède, en général, c’est parce qu’onest bien malade. Le surromantisme des Vietnamiens ne serait-il pas la compensation à une réalité « sur difficile » ?

 

Je suis une inculte. Bien que je me sois farci quelques années de conservatoire, je n’ai que peu de culture en matière de musique. « C’est pas grave… Tu peux toujours déclamer des poèmes ! » Mais je ne sais pas non plus de poème… Mais la musique, cette boisson divine pour oreille et l’âme…Non, je n’y connais vraiment rien. J’attribue les noces de Figaro à Mozart, les 4 saisons à Vivaldi, je confonds Bob Dylan et Bob Marley (ben oui, leur noms commencent tous les deux par Bob !), mélange Nantes de Barbara et Vesoul de Brel, alors que pourtant, l’une est à l’Ouest tandis que l’autre est à l’Est. Ca, vous allez me dire, c’est plus un problème de géographie. Mais quand même…Bref. Je fais un blocage musical….

Au Viet Nam, je crois qu’il existe peu de gens qui ont ma maladie. Tout le monde connait au moins….10 chansons ! Mais moi, non. Et si je connais des chansons, je suis atteinte de la maladie de l’Alzheimer musicale génétique. C'est-à-dire que tout comme mon géniteur, je ne retiens des chansons que le refrain seulement deux ou trois phrases et au mieux, un ou deux couplets (ça dépend de la difficulté de la chanson). Alors que je suis une pro du karaoké vietnamien, pour avoir battu sur leur propre terrain en faisant le score maximal, s’il n’y avait pas eu les paroles qui s’affichaient au bas de l’écran, j’aurais fait le score minimal. Mais passons et laissons là ma gloire et ma fausse modestie.

Peut être que si je n’ai pas besoin de retenir quinze mille chansons, c’est parce que je mets mes rêves et mes espérances ailleurs. Je les matérialise peut être plus.

Tout d’abord, peut être que je n’en ai pas autant besoin parce que là où je vis, dans la société et les milieux auxquels j’appartiens, premièrement la réalité n’est pas ce qu’on pourrait appeler dure à vivre (même si notre vie nous offre généreusement des peines, il faut quand même les relativiser… Je suis quand même bien mieux lotie que beaucoup…) et ensuite, il n’y a surement pas un aussi grand décalage entre ce que je vis, la réalité, et ce que je voudrais vivre. Bien sûr, j’ai mes désirs de changement comme beaucoup, mais disons qu’entre ce que je voudrais vivre et ce que la société me permet de vivre, il n’y a pas un grand fossé… en tout cas, s’il y en a un, il est loin d’être impossible à enjamber comme au Viet Nam où il faudrait au moins faire le grand écart pour joindre les deux bords.

Ne dit-on pas de beaucoup de pays africains qu’on y chantent et dansent beaucoup ? comme pour… supporter la réalité, s’évader, poser des rêves, des espérances … ? Le Viet Nam, ce n’est pas l’Afrique. On ne danse pas aussi souvent, la danse n’est pas un art aussi populaire. Mais chanter, si.

Alors, conclusion : si quelqu’un veut découvrir la culture vietnamienne et qu’il n’est jamais allé au karaoké, c’est qu’il est loin d’avoir tout compris....

 

Publié dans Un peu de piment...

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